lundi 6 juillet 2015

Êtes-vous « burn out » ou « bore out » ?

Ces semaines, il a occupé certains titres de journaux et de rédactions web. Il est au centre même des considérations politiques jusqu’à être retiré de la liste des maladies professionnelles par le Sénat, ce mercredi 24 juin. Pourquoi le burn out  fait-il autant parler ? Est-il devenu l’apanage banalisé et commun des professions ou est-ce un ras-bol général ? Et surtout pourquoi le bore out, phénomène miroir, est-il méprisé ?
Dans une société où l’on nous pousse à être toujours plus rentables, toujours plus présents et toujours plus volubiles, la surperformance et le dépassement de soi deviennent alors les normes.
Pour ne pas dévier de cette norme et de cet idéal professionnel, certains se réfugient dans les heures supplémentaires, d’autres dans le silence. On s’épuise psychologiquement. On s’épuise physiquement. La dépression pointe le bout de son nez. Oui, il faut des normes. Oui, l’idéal professionnel existe. Mais à force de les confondre, les seuls fruits du dur labeur résultent au burn out pour certains, au bore out pour d’autres. Mourir de stress ou souffrir de ne rien faire, est-ce le choix cornélien des travailleurs ? Non, le cercle infernal plutôt.
Nettement moins sous les projecteurs que son cousin, le bore out traduit également une autre réalité du travail. Comment peut-on arriver à s’ennuyer dans sa vie professionnelle lorsque le chômage inquiète de plus en plus et que rechercher un CDI revient à chercher une licorne dans le désert du Sahara ? Les raisons sont aussi simples que multiples : la routine, une hiérarchie pesante et excluante, être arrivé(e) à son poste par défaut, être surqualifié. Le pire ennemi de ces « bored out » : le temps.

Le bore out : à la recherche du temps perdu

Les personnes interrogées sur leur bore out délivrent souvent les mêmes récits : lire les mails, répondre aux mails, répéter les tâches indéfiniment, se prendre un café, déjeuner, reprendre ses mails, se sentir inutile et rebelote…jusqu’à l’heure de la délivrance. En 2005, une étude menée aux États Unis sur 10.000 actifs révélait qu’un salarié passait en moyenne deux heures par jour sur des tâches sans rapport avec sa fonction; un tiers d’entre eux évoque comme explication l’absence de tâches attribuées.
Si cette frustration n’a rien d’exceptionnel à en croire l’exténuant proverbe « il y a des jours avec et des jours sans mais les jours sans, il faut faire avec », pourquoi nous affecte-t-elle autant ? La surperformance encore et toujours. On se surprend à désirer plus, à épater ses collègues, à s’épater soi-même, à atteindre un idéal. Mais l’idéal n’est-il pas fait pour rester inatteignable ? Dur retour à la réalité. Il faut alors accepter d’abaisser nos exigences et parfois renoncer aux objectifs zélés. L’autre solution : la démission, mais pour quel horizon ?
Comme le soulignait un article publié dans l’International Journal of Epidemiology d’Oxford en 2010, l’expression « s’ennuyer à mourir » n’a rien de gratuit. Les auteurs montrent alors que l’ennui cède la place à une souffrance qui amène alors à des pathologies mentales et physiques. Résultat des non-courses : les las ont trois fois plus de chance que les autres de développer des maladies cardiovasculaires. La retraite fantasmée n’est alors plus celle que l’on attendait. Pour endiguer cette situation, les prescripteurs ont érigé un poste qui signifie tant et peu de choses à la fois : le manager.

Le manager, ce super-héros ?

Super Manager se doit d’être à l’écoute de son équipe, repérer les faiblesses et les forces de chaque membre. Si la frustration se fait sentir, on opte pour une réévaluation du poste, si les relations ne sont pas au beau fixe, on envisage l’option de la mobilité interne. Le maître-mot : la prévention. Pourtant, le bore-out est méprisé et n’est pas reconnu à juste titre comme une réalité professionnel. Pourquoi ? Parce que le bore-out syndrom une maladie honteuse. Honteuse car complexe à délimiter. Dans un article publié en 2011 dans La Revue internationale de psychologie et de gestion des comportements organisationnels, les professeurs Christian Bourion et Stéphane Trebucq assurent que « (Notre système) récompense la servilité plus que l’efficacité ». On s’ennuie parce qu’on est paresseux et non malheureux voilà tout. Oui mais non.
Au final, le coupable c’est le système. Pas vous.