vendredi 31 juillet 2015

L'adolescence

 Par Marlène FOUCHEY

L'adolescence est une période du développement difficile à définir avec précision. Certains la définissent par ce qu'elle n'est pas, ni l'enfance, ni la maturité. On ne la considère plus aujourd'hui comme la dernière étape du développement.


Elle se caractérise par un ensemble de phénomènes psychologiques liés aux transformations physiques et physiologiques de la puberté ainsi qu'au changement de statut social. La puberté n'est toutefois pas une condition suffisante pour définir l'adolescence bien qu'elles soient souvent associées.

On s'accorde à dire que l'adolescence commence au moment de la puberté et qu'il s'agit d'une période de crise. La poussée pubertaire vient réveiller les conflits œdipiens non résolus et dont la crise d'adolescence va en constituer le prolongement. Cette situation de crise va se manifester par l'intensité des réactions affectives, l'ambivalence, la variabilité des conduites. Dans le meilleur des cas, elle aboutit à une réorganisation de la personnalité. Quand son évolution est favorable, à l'état adulte, on observe une stabilité de la personnalité et une plus grande capacité à utiliser ses potentialités.

La sexualité est au premier plan en raison de la reviviscence des complexes d'Oedipe et de castration. C'est un moment de grande vulnérabilité psychologique car d'un point de vue physiologique, la maturité sexuelle est acquise mais la maturité affective ne l'est pas. On parle d'asynchronisme entre ces deux maturités. C'est une période pendant laquelle l'adolescent va être confronté à des transformations profondes sur le plan de ses désirs, de ses possibilités affectives, intellectuelles. Il va falloir également préciser ses orientations, ses choix professionnels.

Les traits de caractère psychosexuels ne sont pas encore nettement fixés. Leurs signes extérieurs peuvent être imprécis, ambigus. Les orientations sexuelles ne sont pas encore précisées chez tous les individus. C'est une période où les tendances homosexuelles sont fréquentes (sans pour autant y avoir forcément passage à l'acte) ce qui peut être source de culpabilité.

Suivant l'éducation, les croyances, la culture, les interdits, les conflits intrapsychiques vont se renfoncer, s'accentuer.

1. L'adolescence envisagée par Freud

Freud envisage l'adolescence comme une période pendant laquelle il y a regroupement des pulsions partielles sous le primat de la pulsion génitale. Il décrit l'adolescence comme un processus psychologique relativement homogène où on reconnait l'importance de la puberté et le rôle joué par l'accès à la sexualité.
D'un point de vue dynamique, la puberté se caractérise par l'apparition de la capacité orgastique et l'avènement de la capacité reproductrice. Certains parlent d'une explosion libidinale, d'une éruption pulsionnelle génitale. Au cours de l'adolescence, il y a une régression vers les pulsions prégénitales. D'un point de vue économique, l'apparition brusque de cette énergie va conduire l'adolescent à la recherche d'une décharge tensionnelle. Aux changements économiques s'associent des changements de la perspective dynamique. Le conflit intérieur de l'adolescent n'est pas seulement le conflit œdipien. Il s’y associe des conflits plus archaïques, des conflits d'ambivalence qui rappellent ceux de la phase dépressive. Le Moi est fragilisé dans son rôle de pare excitation.

Pour Freud, la pulsion va découvrir l'objet chez l'autre. Les différentes zones érogènes (orale, anale, urétrale) vont se regrouper. On considère qu'il y a une réactivation de l'angoisse de castration aussi bien chez le garçon que chez la fille. Pour cette dernière, l'apparition des règles va venir accentuer l'angoisse de castration.
Si les transformations et l'accès à la sexualité génitale conduisent au rapport sexuel chez certains, ils peuvent entrainer un repli dépressif chez d'autres voire une homosexualité latente ou transitoirement patente.

2. Le corps

Pendant l'adolescence, le corps va se transformer à des vitesses variables. Il s'agit d'un changement pour l'adolescent lui même et pour les personnes qui le regardent. De même que le regard de la mère à de l'importance pour le bébé, le regard des autres est important pour l'adolescent. Peuvent apparaitre des craintes hypocondriaques ainsi qu'une dysmorphophobie.

Le corps est un représentant symbolique au niveau de la société. Il peut être plus ou moins mis en valeur, investi ou non investi. Le corps représente pour l'adolescent un moyen d'expression symbolique de ses conflits et de ses modes relationnels.

3. Ah les parents....

L'adolescence est à considérer comme un travail de deuil. L'un des grands mouvements intrapsychiques en œuvre à l'adolescence est l'expérience de séparation d'avec les personnes qui l'ont influencé au cours de son enfance. Certains auteurs décrivent l'adolescent comme un être endeuillé dans le souvenir de l'objet maternel perdu.

En proie à ses pulsions, l'adolescent va rejeter ses parents dont la présence va réactiver les conflits œdipiens et la menace d'inceste désormais réalisable. L'adolescent tend à rejeter les bases identificatoires de son enfance, c'est à dire les images parentales intériorisées. A la base de toute adolescence, on considère qu'il y a meurtre des images parentales, condensé fantasmatique de l'agressivité liée à toute croissance. Winnicott dit bien que grandir est par nature un acte agressif. L'adolescent est confronté à un paradoxe et doit éprouver ces conflits avant d'en trouver la solution. Pour ce faire, l'adolescent peut réutiliser les moyens, mécanismes de défense dont il dispose déjà; on parle d'un retour aux processus défensifs de la période œdipienne. Il peut également découvrir de nouveaux mécanismes de défense qui seront alors spécifiques à l'adolescence et auront pour but de rendre supportable cette dépression et cette incertitude identificatoire

L'adolescent est amené à conquérir son indépendance, à se libérer de l'emprise parentale et à liquider la situation œdipienne. L'image parentale idéalisée au cours de l'enfance est remise en question par ce désir d'autonomie, par la rencontre avec d'autres figures idéalisées. On considère que l'une des taches centrales de l'adolescence est de parvenir au détachement de l'autorité parentale et des objets infantiles.

4. Mécanismes de défense durant l'adolescence

L'adolescent met donc en jeu un certain nombre de mécanisme de défense où A. Freud distingue:
  • des défenses contre le lien avec l'objet infantile
  • un déplacement de la libido
  • un renversement de l'affect
  • un retrait de la libido
  • des défenses contre les pulsions (ascétisme); l'ascétisme permet de mieux contrôler ses pulsions au niveau du corps. Il renvoie au comportement des adolescents qui s'administrent des restrictions draconiennes, qui font souffrir leur corps. Derrière cet ascétisme, il faut noter des tentatives de contrôle des désirs sous tendus par la culpabilité due aux plaisirs sexuels.
  • des défenses centrées sur le conflit œdipien
  • des défenses contre le conflit préœdipien
  • l'intellectualisation permet de mieux contrôler les pulsions au niveau de la pensée
  • apparition du clivage pouvant être perturbant pour l'entourage. L'adolescent va avoir un comportement passant d'un extrême à l'autre. Le clivage représente la réapparition de mécanismes archaïques abandonnés au cours du conflit œdipien pour des mécanismes plus adaptés tel que le refoulement. Le clivage a pour but de protéger l'adolescent contre le conflit d'ambivalence. Ce mécanisme fait apparaitre l'adolescent comme étant très contradictoire ce qui fait dire à certains auteurs que le fonctionnement des adolescents est proche de celui des sujets borderline.
  • apparition de l'identification projective avec adhésion sans nuance à des systèmes idéaux.
la projection persécutrice est en place lorsque le sujet a le sentiment d'un monde hostile dont il doit se défendre pour survivre. Il n'est autre que l'expression de sa propre agressivité envers le monde qui l'entoure.