Il n’y a pas deux enfants intellectuellement précoces identiques.
Cependant, les conséquences engendrées par cette spécificité sont bien
souvent les mêmes. Elle se retrouvent, à différents niveaux, chez de
très nombreux enfants. Elles résultent presque toutes d’un développement
hétérogène des aspects affectif, psychomoteur et intellectuel de la
personnalité de l’enfant. Jean-Charles Terrassier, spécialiste reconnu
des enfants précoces, parle de dyssynchronie, ou plutôt de
dyssynchronies au pluriel. Cet article emprunte beaucoup à ses travaux,
qui font autorité dans le domaine. On distingue dyssynchronie interne et
dyssynchronie sociale.
La dyssynchronie
interne se manifeste au niveau affectif et psychomoteur. Elle peut être
dans une certaine mesure exprimée lors de la passation d’un test de QI.
L’anxiété
est un trait de caractère assez fréquemment répandu chez les enfants
précoces. Leur maturité affective n’est pas toujours en adéquation avec
le niveau des connaissances accumulées. Cela engendre chez l’enfant une
relative impossibilité de traiter avec efficacité un trop grand nombre
d’informations contradictoires. Il aura donc tendance à rationnaliser ou
à ne pas supporter l’échec. Il est indispensable de laisser à cet
enfant des moments de doute et de le placer face à des difficultés qui
l’aideront à ne pas s’ennuyer.
Le problème le plus souvent posé
aux parents d’enfants précoces, réside dans le décalage important
généralement constaté entre capacités intellectuelles et motricité.
L’obligation scolaire et l’organisation du système est bien sûr la
raison principale de l’importance accordée à cette facette de la
dyssynchronie. Il est bien évident qu’il est difficile pour un enfant en
avance de plusieurs années intellectuellement d’obtenir la même
performance dans des domaines plus « physiques », tels que les activités
sportives ou graphiques. Bien souvent on constate même un certain
retard sur des enfants du même âge. Cela handicape parfois l’enfant qui
devrait bénéficier d’une accélération de son cursus et qui se la voit
refuser pour cette raison. Il est extrêmement important de tenir compte
dès le plus jeune âge de ce problème et de rechercher les solutions qui
permettront de le dépasser.
Le résultat d’un test de QI peut
donner des indications précieuses sur le niveau de dyssynchronie atteint
par un enfant précoce. Dans le cadre des tests du type « Wechsler »,
une étude attentive des résultats obtenus subtest par subtest permet
d’analyser les capacités de l’enfant dans les sphères « verbale » et
« performance ». Il est généralement considéré qu’un écart supérieur à
15 points (soit un écart-type) au détriment du QI de performance aura un
impact important sur l’équilibre entre motricité et développement
intellectuel.
La dyssynchronie sociale est présentée par
Jean-Charles Terrassier comme apparaissant entre l’enfant et son
entourage, que ce soit le système scolaire, ou les autres enfants.
L’école,
ou plutôt le système éducatif, n’est pas adaptée aujourd’hui à
l’accueil des enfants précoces, même si de récents développements nous
laissent espérer une amélioration prochaine. La progression scolaire,
telle qu’elle est conçue ne laisse que peu de place à l’épanouissement
des EIP. Elle a été imaginée à l’origine pour des enfants « standards »,
« normalisés » qui sont bien éloignés du profil classique de l’enfant
intellectuellement précoce. Il est quasiment aussi délicat pour un tel
enfant de s’épanouir dans une classe d’enfants « normaux » que pour un
enfant « normal » dans une classe de déficients mentaux. Or, si la prise
en compte des difficultés se fait à peu près bien pour les enfants qui
ne suivent pas, il n’en va pas toujours de même pour ceux qui auraient
besoin d’aller plus vite. Si les premières années de scolarité peuvent
s’accomoder sans trop de dommages d’une telle réalité, le principal
problème découlant de cet état de fait se manifestera plus tard, souvent
au collège, voire au lycée. L’enfant, qui n’aura pas été habitué à
travailler pour réussir, faute de challenge intéressant va éprouver
beaucoup de difficultés à troquer un apprentissage intuitif contre des
méthodes de travail rigoureuses. Souvent l’échec scolaire survient à ce
moment là.
Face à ses camarades également, l’enfant précoce subira
un décalage. Pas assez « physique » pour jouer avec les plus grands
(parfois même les enfants de son âge lorsque le retard psychomoteur
existe), trop en avance intellectuellement pour discuter avec les
« petits », il va souvent avoir des difficultés à intégrer un groupe de
copains. Cela est bien entendu amplifié à l’école et dans les activités
péri-scolaires, puisque bien souvent le découpage des groupes se fait
uniquement en fonction de critères d’âge. Le meilleur camarade pour un
enfant précoce est certainement un autre enfant précoce. Des activités
et loisirs spécifiques existent pour les EIP, mais sont encore trop
rares. Il y a aussi la possibilité d’inscrire son enfant à des loisirs
qui intéressent généralement les jeunes précoces, tels que les échecs,
les jeux de rôle ou les activités du type micro-fusées.
La
dyssynchronie n’est pas une maladie. C’est l’une des conséquences
principales de la précocité intellectuelle et l’on voit que beaucoup de
choses découlent d’elle. Il est indispensable de prendre rapidement les
mesures qui permettent d’en atténuer les effets. Une détection précoce
est sans conteste un facteur permettant de faciliter la mise en oeuvre
de solutions adaptées. Il va falloir jouer sur l’environnement de
l’enfant, si l’on ne veut pas qu’il soit, au prix de lourds sacrifices,
obligé de s’adapter. Sans cela, les conséquences pourront se faire
sentir de longues années, notamment au niveau social. Tout le travail
des adultes va être de proposer à l’enfant un environnement qui réponde
le mieux possible aux besoins particuliers qu’il manifeste.
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